La Vieille Garde (1900-1920)
Cette période fixe les codes du tango encore en place aujourd’hui. Nous sommes dans une époque d’euphorie économique. Les orchestres s’élargissent, s’enregistrent avec l’invention du gramophone en 1907. Le tango joué devient un tango écrit et non plus un tango improvisé. Entrée en scène du bandonéon. Les orchestres se sédentarisent avec l’arrivée du piano, de la contrebasse. Le tango se chante, s’internationalise, touche d’autres couches sociales, devient danse de salon.
Les compositions de cette époque, largement jouées encore aujourd’hui, forment le socle du tango.
Don Juan de Ernesto Ponzio (1898) joué ici par Carlos Di Sarli en 1955
Union Civica de Domingo Santa Cruz (1904) joué ici par Juanjo Dominguez en 1999.
La Morocha de Enrique Saborido (1905) ici par Canaro et chanté par Ada Falcon
Gran Hotel Victoria de Feliciano Latasa (1906) par San Telmo Lounge (version Electro)
Una noche de Garufa de Eduardo Arolas (1909) ici par Los Tubatango en 1994
Un figure domine la première décennie du XX siècle : Angel Gregorio Villoldo, Chanteur, pianiste, guitariste, journaliste, payador, (1864 – 1919) «surnommé le père du tango » tant il est prolifique. signe notamment :
El Esquinazo (1902), (la sérénade) par Los TubaTango en 1994
El portenito (1903) (Le petit portègne) par le Sexteto Mayor en 1999
Et par-dessus tout El Choclo (1903) (L’épis de maïs) joué ici en 1910 par Eduardo Arolas et son Orquesta Tipica Portena
Les musiciens professionnels apportent leur technique. La vague 1910 est particulièrement prolifique. Ses principaux héros sont Francisco Canaro (1888-1964), Vincente Greco (1888-1924), Roberto Firpo (1884-1969), Eduardo Arolas (1892-1924)
En 1911 Vincente Greco puis Eduardo Arolas (El tigre del bandoneon) jouent un rôle important dans l’introduction du bandonéon dans les orchestres de tango. Il destitue la flûte aux accents aigues. La sonorité devient plus grave, plus lente, plus profonde. Cette date marque le début des « Orquesta Tipica » qui suivront et évolueront jusqu’à nos jours.
Le violoniste Francisco Canaro (1888 – 1964) systématise la contrebasse dès 1917. Il représente la tête de file du style traditionaliste. Il est Uruguayen et sa carrière s’étala sur plusieurs périodes de 1910 à sa mort.
Le pianiste Roberto Firpo est Uruguayen comme Canaro. Il impose son instrument qui destitue la guitare. Il contribue dès 1913 à structurer l’orchestre selon le schéma suivant : 2 bandonéons, 2 violons, le piano et la contrebasse. Son oeuvre majeure est l'adaptation de l'immortelle Cumparsita.
Les partitions connaissent des tirages de 30000 exemplaires, les auteurs signent leurs productions, les orchestres s’endimanchent. Après 1907, l’industrie du disque s’empare de cette musique et démultiplie sa diffusion auprès du grand public.
Deux morceaux emblématiques marquent les deux versant de la vieille garde : El choclo de Villoldo (1903) et La Cumparsita de Gerardo Matos Rodriguez (1916), repris et créé par le pianiste Roberto Firpo en 1916 au café « la Giralda » de Montevideo. El Choclo, encore tourné vers la fin du 19e siècle, l'univers des lupanars et des premiers émigrants hommes. 15 ans plus tard, ces émigrants sont installés, les femmes sont arrivées, on s'endimanche pour aller danser le tango en famille et les paroles de La cumparsita évoquent les amours perdues.
Evénement historique : L’invention du tango chanté. Pascal Contursi (1888 – 1932) pose une poésie sur une partition de Samuel Castriota pour donner « Mi Noche triste » que chantera Carlos Gardel au théatre Esmeralda de Buenos Aires en 1917. Le « tango cançion » est inventé du jour au lendemain et le succès pour Gardel est immense. Dès lors, Carlos Gardel délaissant son répertoire de musique populaire dit Criollo, se consacrera au tango.
La vidéo de Gardel au théâtre Esmeralda
Pascal Contursi écrira les paroles de la Cumparsita. Une ère poétique s’ouvre, une ère qui connaîtra son apogée dans les années 30 – 40.
Le tango s’internationalise. La « tango mania » fait rage à Paris, dans les autres capitales Européennes puis à New York. Dès lors, le tango s'édulcore, devient "tango de salon" et n’appartient plus aux seuls argentins.
L’invention de la radio, Le tango chanté, l’internationalisation du tango, l’ouverture vers d’autres couches sociales et la mort de Villoldo marquent entre 1917 et 1920 une période de transition avec la période suivante dite : la nouvelle garde.