L’avant-garde
Quand le régime péroniste s'effondre et que l'armée reprend le pouvoir en 1955, le monde du tango issu des fastes d’une période dorée subit un bouleversement. Quantité de salles de danse ferment, nombre d'orchestres se dissolvent. Les meilleurs orchestres de l’âge d’or réduisent leurs formations. On dénombrait plus de 600 orchestres Portègnes du temps de Peron, ils sont tout au plus une dizaine en 1976 ! Les jeunes se détournent du tango au profit du rock'n'roll ou d'autres genres de musiques populaires. La mémoire du tango est toutefois perpétuée dans des salles nouvellement ouvertes, les tanguerías, la télévision.
Julio Sosa chante avec Beba Bidart à la télévision
Beba Bidart danse à la télévision accompagnée par Osvaldo Pugliese au piano
Video de Anibal Troilo en 1974 en concert au théatre Colon de Buenos Aires
Les évènements politiques provoquent un mouvement d’exode, mouvement inverse de tous ceux qu’avait connus l’Argentine jusqu’alors. Cette nation d’immigration se transforme en terre d’émigrants. C’est à l’étranger que le tango pourra respirer un air de liberté.
Ce renouveau obligera en même temps le tango à renouer avec ses racines les plus profondes. Le tango de l’exil redevient l’expression nostalgique d’un attachement à la (seconde) patrie perdue.
Le tango de concert est la grande innovation des années soixante, il se développera par la suite en une toute nouvelle forme qu’on appellera le tango nuevo. Le tango n’avait jamais été une musique destinée à être véritablement écoutée. Ecrite pour être dansée ou, par la suite pour être chantée, cette musique n’avait jamais encore véritablement occupé à elle seule les devants de la scène.
Gardel a fait passer le tango des pieds aux lèvres, quarante ans plus tard la nouvelle génération impose le tango à l’oreille. On s’engage dans la seule voie que le tango n’avait pas tout à fait exploré : la musique pure.
C’est Astor Piazzolla, par qui le « scandale » arrive. Il délaisse le rythme traditionnel et le remplace par une respiration plus nuancée, il rompt avec la continuité rythmique de chaque pièce.
Astor Piazzolla (1921-1992)
Musicien prodige, remarqué par Gardel, arrangeur de Troilo. Dans les années 50, il se lance dans la composition d’œuvres classiques qui déconcertent.
En argentine, il est mis au ban de la société Tanguera. A l’inverse, en Europe, et notamment en Italie, le jury du « Premio de la Critica Discográfica » lui discerne un premier prix du meilleur disque de musique instrumentale avec la mention : « Pour la valeur des compositions et la surprenante créativité des arrangements qui donne au tango une dimension complètement nouvelle. »
De retour au pays, Piazzolla enfin reconnu, fonde l'Octeto de Buenos Aires, puis le bien nommé Quinteto Tango Nuevo en 1960. Le tango nuevo va relancer l'intérêt pour la musique du Rio de la Plata à travers le monde.
Amelita Baltar chante Balada para un loco
Piazzolla est l'incontestable chef de file de ce renouveau pour lequel œuvrent également les musiciens tels que Horacio Salgan et son Quinteto Real, Leopoldo Federico ou Eduardo Rovira et le poète Horacio Ferrer
Adios Nonino - Libertango - Milonga del Angel - Oblivion
Onda Nueve - Chiquilin de Bachin - Buenos Aires Hora Cero
Horacio Salgán est un des maîtres du tango de cette époque. Pianiste exceptionnel, Salgán est l’inventeur d’un style d’interprétation et de composition qui lui ont valu une place tant dans le courant évolutif que classique du tango. Influencé par le jazz, sa musique témoigne que l’on peut renouveler le tango tout en s’inscrivant dans la continuation de la tradition.
Video de Horacio Salgan en duo avec Ubaldo de Lio
Video de l'orchestre de Sagan en 1960 : Le Quinteto Real
Dans les années soixante-dix, d'autres nombreux artistes se réfugient en France, graves troubles politiques, puis dictature militaire obligent :
Susana Rinaldi interprète La morocha
Juan Cedron interprète piove en san telmo
Juan José Mosalini interprète Preparense
Juan Carlos Caceres interprete Toca Tango
Ces derniers, ainsi que d'autres chanteurs, musiciens et danseurs se produisent de 1981 à 1993 aux Trottoirs de Buenos Aires dans le quartier des Halles : Haydée Alba, le Sexteto Mayor…
C'est aussi depuis Paris que partent en tournée mondiale des spectacles à succès tels que Tango argentino (1983).